La loi n° 2019-486 relative à la croissance et la transformation des entreprises – la loi « PACTE » – a été publiée au Journal officiel le 23 mai 2019. Parmi les nombreuses mesures qu’elle contient, les compagnies d’assurance luxembourgeoises se sont particulièrement intéressées à l’insertion, dans le Code des assurances, d’une précision(1) explicitant que les primes d’un contrat d’assurance vie sont payables « en numéraire ».
Selon l’étude d’impact de la loi, le but de cette mesure serait de contrer certaines pratiques d’optimisation fiscale préjudiciables pour les finances publiques. En particulier, la possibilité de payer la prime en titres offerte par les assureurs étrangers – notamment luxembourgeois – aurait été utilisée par les contribuables les plus fortunés pour placer les titres de leurs propres sociétés familiales dans des contrats d’assurance vie.
L’objectif de lutte contre l’optimisation fiscale avancé par le législateur semble cependant peu convaincant. En effet, depuis l’introduction du prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus de capitaux mobiliers, la fiscalité de l’assurance vie s’est rapprochée de celle d’un portefeuille-titres. De même, du point de vue de la fiscalité successorale, le taux maximal d’imposition des capitaux-décès (31,25 % si le contrat bénéficie du régime favorable de l’article 990 I du CGI) est supérieur au taux d’imposition permis par le dispositif Dutreil-transmission applicable, sous réserve de conditions, aux titres d’une entreprise familiale.
Afin d’assurer l’efficacité juridique de la réforme, le législateur a précisé que la disposition en question doit être considérée comme une mesure d’intérêt général s’appliquant à l’ensemble des contrats souscrits par un résident français, y compris ceux commercialisés par les assureurs étrangers. Cette précision vise à mettre en échec la jurisprudence de la Cour de cassation(2) selon laquelle « aucune disposition légale d’intérêt général ne prohibe la distribution en France […] de contrats d’assurance […] régis par la loi française mais dont les caractéristiques techniques et financières relèvent du droit luxembourgeois […] et permettent l’apport de titres ».
Le but de remettre en cause cette jurisprudence pourrait toutefois ne pas être atteint. En effet, la Cour de cassation fonde implicitement sa décision sur le droit communautaire et en particulier sur les directives concernant l’assurance sur la vie(3). Ces dernières indiquent que la vente, sur le territoire d’un Etat, d’un contrat émis par une entreprise d’un autre Etat membre ne doit pas être empêchée tant que ce contrat respecte les dispositions légales d’intérêt général en vigueur dans le premier Etat. Or, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, pour pouvoir être admise comme d’intérêt général, une mesure doit satisfaire un certain nombre de critères : être objectivement nécessaire, être proportionnée à l’objectif poursuivi, poursuivre un objectif qui n’est pas déjà sauvegardé par les règles auxquelles l’entreprise est soumise dans son Etat d’origine, etc. Dans ces conditions, une mesure présentée comme d’intérêt général dans un Etat pourrait ne pas être considérée comme telle à la lumière du droit européen. Ce risque a d’ailleurs été souligné par le Conseil d’Etat dans son analyse(4) du projet de la loi « PACTE ».
Malgré le caractère potentiellement inopérant de la modification introduite par la loi « PACTE », on peut s’attendre à ce que les compagnies luxembourgeoises suspendent la possibilité de payer la prime d’un contrat par remise de titres à compter de l’entrée en vigueur de la loi(5), afin de ne pas exposer leurs clients à des différends avec l’administration fiscale française.
Article rédigé par le pôle ingénierie juridique et fiscale de Natixis Wealth Management au Luxembourg.